Une semaine. Elle était restée une semaine à l’hôpital. Les médecins voulaient la garder plus longtemps, mais pour Anna, une semaine c’était déjà trop long. En une semaine, les gens pouvaient commencer à se poser des questions et la magnifique vitrine de pâtisseries du Tea Party s’était vidée de ses couleurs. Il était grand temps qu’elle se remette au travail. Remettre les mains dans la pâte devrait la calmer, du moins elle l’espérait. Respirant un grand coup, Anna franchis le seuil du Tea Party. Il était encore tôt, mais quelques clients étaient déjà assis à leurs tables. Tous tournèrent la tête vers elle et l’observèrent d’un air curieux. Ne sachant plus où se mettre, Anna leur offrit un timide sourire et se précipita vers sa cuisine. Peut-être aurait-elle dû passer par la porte arrière, celle qui donnait sur les poubelles ?

« Où étiez-vous passée, Baker ? Vous avez de la chance d’être la meilleure pâtissière de la ville, sinon je vous aurais déjà virée. » s’enquit la voix de son patron, visiblement sur les nerfs. « Bon sang, qu’est-ce qui vous est arrivé ? » ajouta-t-il en apercevant son visage. Anna s’était tartinée la figure de fond de teint pour cacher les coups, mais quelques écorchures et points de suture étaient encore visibles, sans parler du bandage qu’elle avait à la main droite. « Je me suis faite renversée par une voiture. » mentit-elle. C’était ce genre de questions qu’Anna redoutait. Elle n’avait aucune envie de crier sur tous les toits qu’elle s’était faite casser la gueule par sa dernière conquête en date. « D’accord, heu, remettez-vous au travail dès que possible. » répondit son patron, gêné. « C’était bien mon intention, monsieur. » Elle attendit qu’il sorte de la pièce pour pousser un profond soupir de soulagement.

Anna commencerait par une tarte aux pommes, autant faire quelque chose de simple pour se remettre dans le bain. Simple, mais efficace. La tarte aux pommes était ce qu’on pouvait appeler un classique de la pâtisserie et, après tout ce qui contenait du chocolat, faisait partie des meilleures ventes de l’établissement. La jeune pâtissière commença donc à apporter sur l’immense plan de travail les divers ustensiles et ingrédients dont elle allait avoir besoin pour préparer la pâte. Anna commença doucement à se détendre. Mieux que le yoga, malaxer la pâte avait toujours eu le don de l’apaiser, de lui faire oublier tous ses problèmes… Sauf que ceux-ci avaient toujours tendance à revenir au galop ! Une douleur subite au thorax la coupa net dans son travail. Anna ferma les yeux et serra les dents, s’appuyant sur le plan de travail dans l’attente qu’elle se termine. Intérieurement, la jeune femme maudit Adam Rochester pour lui avoir brisé les côtes. Il faut dire qu’elle l’avait bien cherché. Anna connaissait la réputation du garde forestier depuis le début, mais la sienne n’étant pas toute rose non plus, elle était quand même sortie avec lui. Si la pâtissière avait un sale caractère, elle avait appris de façon brutale qu’il pouvait y avoir pire qu’elle dans ce domaine. Avec colère, Anna attrapa son rouleau à pâtisserie et tapa violement sur la pâte pour l’aplatir. Si la tranquillité de la cuisine ne parvenait pas à calmer ses nerfs, se défouler ferait certainement l’affaire. En fait, elle était tellement absorbée par cette action qu’elle n’aperçut pas le croque-mitaine qui hantait ses nuits depuis une semaine faire irruption dans sa sacro-sainte cuisine.