[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Au plus loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de liberté et d’aventure. Je voulais voyager, découvrir et apprendre. Je voulais m’épanouir à l’air libre, loin d’un bureau confiné et étouffant, et j’avais très bien compris que les contraintes, les responsabilités ou encore la hiérarchie n’étaient pas faites pour moi. Alors, quand mes professeurs ou mes proches me demandaient ce que je voulais faire plus tard, ils étaient toujours surpris de mes réponses. Parce que contrairement aux autres petites filles de mon âge, je ne voulais devenir ni vétérinaire, ni infirmière, ni cuisinière. Non. Moi je voulais être astronaute, pompier, clown ou archéologue. Parce qu’à mon sens ces métiers étaient les seuls en mesure de m’apporter ce que je désirais de la vie.
On dit que le bonheur est un rêve d’enfant réalisé à l’âge adulte. Aujourd’hui, je ne suis devenue ni astronaute, ni pompier, ni archéologue. Et, si quelque part je suis un vrai clown, ce n’est pas dans le sens auquel j’y aspirais étant petite. En déduisez-vous que je suis malheureuse ?
J’ai vingt-quatre ans, je suis célibataire, je n’ai pas de diplôme, je travaille dans une réserve animalière plus de quarante heures par semaine pour un salaire ridicule, je vie dans un appart’ minuscule avec mon meilleur ami d’enfance, et je passe tous mes dimanches chez ma mère. Ma vie est loin, mais alors très loin d’être un modèle de réussite, je vous l’accorde. Pourtant je l’aime et je ne la changerais pour rien au monde. Est-ce que ça vous surprend ? Je suis sûre que oui.
«
Mo’, on a un petit problème. Ashton est malade et il faudrait que quelqu’un le remplace dans l’enclos des girafes. » J’arrête ce que je fais et dévisage mon chef. C’est un mec entre deux âges. Grand et plutôt pas mal, dans le genre artiste torturé. Je l’aime bien, même si on a eu des débuts un peu difficiles lui et moi. Quand j’ai commencé à travailler dans la réserve, il n’a pas arrêté de me donner des tas d’ordres que je refusais de suivre sans même faire semblant d’être désolée. Alors il m’a virée. Parce que je n’avais pas la même manière de travailler que lui et parce qu’il me prenait pour une gamine irresponsable. Mais, croyez-le ou non, les singes dont je m’occupais ont arrêté de s’alimenter suite à mon départ. Alors il est revenu me chercher en rampant. Maintenant il sait : il sait comment je fonctionne, et il sait que ce n’est pas parce que je n’ai pas sa rigueur et son respect pour les consignes que je fais mal mon boulot. «
Je m’en occupe, t’inquiète. » Je lui souris avant de ranger mon matériel. «
Merci ma grande ! » Il me tape sur l’épaule, affectueusement. Et il s’en va, l’air satisfait. Parce qu'il a obtenu ce qu'il voulait de moi sans avoir à me forcer la main. Parce que depuis le temps il a parfaitement compris que je ne fais jamais ce qu'on cherche à m'imposer de force.
Un job en extérieur, au beau milieu de la nature et des animaux, sans pression ni ordres à suivre à la lettre, et surtout sans aucun tyran surdiplômé et con comme ses pieds qui cherche à m’apprendre à faire mon boulot correctement … Quelque part, je crois que je l’ai réalisé mon rêve de gosse.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]J’aime bien les girafes. Elles sont cools, elles sont grandes, et quand elles marchent on dirait qu’elles dansent. Mais même si elles sont superbes et fascinantes, je préfère les singes. Ma relation avec eux est comme fusionnelle et, bien que je sois incapable d’expliquer pourquoi, on est comme liés eux et moi. Alors, une fois que j’en ai terminé avec les belles dames au long cou, c’est au pas de course que je retourne chez mes petits protégés.
Lorsque j’arrive devant l’enclos des gorilles, une silhouette connue capte mon attention. Je n’ai pas à chercher bien longtemps pour reconnaitre la bouille angélique de Selena. Elle est penchée sur son carnet, l’air concentrée, et je devine qu’elle dessine un de mes amis à poils. Je souris, parce que j’aime bien Selena. C’est une fille douce et rêveuse, pleine de bonnes intentions mais aussi très mystérieuse. C’est une amie, un vrai, même si au final on sait plutôt peu de chose l’une sur l’autre. Je crois que nous sommes dans l’instant, alors nous ne parlons que très peu – voire quasiment jamais – de notre passé. Mais ça ne nous empêche pas de nous apprécier et de partager de bons moments ensemble.
Lentement, je m’approche de Selena et j’arrive en silence derrière son dos. J’attends qu’elle lève son crayon de son croquis pour poser mes mains sur ses épaules et crier «
Boouh ! » en éclatant de rire, visiblement contente de ma blague enfantine. «
Salut ma Fray’se ! » Je m’assois ses côtés et jette un œil sur son croquis. Bien qu’il ne soit pas encore terminé, je reconnais immédiatement le singe qu’elle a choisi de dessiner : c’est Harry, le patriarche de la famille. Un gros mal, imposant et intimidant qui, sous ses airs grognons, est un véritable amour. «
Tu as vraiment un don, toi. Mais tu pourrais surement capter encore plus de détails si tu étais plus proche d’Harry. » Je regarde rapidement autour de moi, cherchant des yeux mon chef pour savoir si la voie est libre ou non. «
Ça te dirais d’entrer ? », dis-je en souriant.
HJ : Je suis vraiment désolée pour cet affreux retard .